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Autogestion : le supermarché collaboratif fait des petits


Un supermarché. Trois heures de travail par mois. Des produits entre 10 et 40% moins onéreux. Une organisation du travail totalement différente. Voilà ce que propose Superquinquin, supermarché collaboratif qui s’autogère. Basé sur le modèle du Food Coop de New-York (créé en 1973), le concept fait des petits sur le Vieux Continent. Il arrive sur Lille.



Une expérience totale



Superquinquin. En voilà un nom curieux pour une initiative audacieuse. L’essence du projet ? Il est simple. Ouvrir un supermarché collaboratif, dans lequel chaque participant travaille trois heures chaque mois. Travail permettant ensuite l’accès au supermarché. 15.000 produits, souvent locaux, frais, et biologiques, à un prix inférieur au marché (entre 10 et 40% selon les produits) composent les étals. Sur un plan strictement comptable, le travail accompli est bien rapidement remboursé par les économies réalisées. Le projet propose aussi des services annexes tels qu’une garderie, la possibilité de raccompagner les personnes ayant effectué leurs courses jusqu’à leur domicile.


New-York. Brooklyn. Cette expérience sociologique et économique est d’abord née outre-Atlantique en 1973 à contre-courant de l' « American way of life » sous le nom de Park Slope Food Coop. Le supermarché regroupe désormais 17 000 collaborateurs, représentant selon certains la plus grande expérience sociale des États Unis. Pourtant très peu relayée par les médias nationaux, moquant souvent ce modèle si difficile à imaginer au paradis du capitalisme.


L’organisation d’un autre modèle dans le secteur de la grande distribution représente une voie prometteuse pour une industrie peu respectueuse du consommateur et de l’environnement. La sortie du film-documentaire « Food Coop » le 2 novembre en France accompagnée de l’ouverture de « La Louve », supermarché basé sur ce modèle économique, crée une dynamique porteuse autour de ce sujet.


Des produits frais, un marketing absent, une diversité de personnes


Quelles autres particularités ce concept comporte-t-il ? D’abord, un taux de rotation des stocks plus de cinq fois supérieur à la moyenne du secteur. Chez Food coop il est de 80, contre 15 pour les géants de la grande distribution. C’est-à-dire qu’ils écoulent par an 80 fois le stock complet du magasin (environs tous les 4 jours, jours ouvrés). Taux qui semble absolument irréalisable pour le reste du secteur. Rotation qui permet de garantir la fraîcheur des produits évoquée plus haut.


L’autre particularité, et non des moindres, est l’inexistence du marketing. L’ambiance y est naturelle, proche de ce qui serait possible de trouver dans une grande épicerie de quartier. « Les gens ne sont plus habitués à une expérience d’achat où l’on n’est pas appâté par du marketing. Ici on n’essaye pas de nous vendre quelque chose, c’est profondément différent de ce qu’on connait habituellement » déclare les fondateurs de Food Coop. Il est criant, lorsqu’on n’est plus confronté au marketing qui déferle constamment nous nos yeux, que l’on s’est habitué à être hyper-stimulé par des messages publicitaires. Il est un plaisir simple mais rare de retrouver un lieu d’achat qui ne prend pas nos cinq sens comme autant de chances d’y faire entrer un message commercial.

Bande annonce de Food Coop film-documentaire réalisé par Tom Boothe



En plus à Park Slope Food Coop nous trouvons tous types de profils pour une myriade de métiers. Cariste, infirmière, psychanalyste, coiffeur, journaliste, mère de famille, jeune étudiant, retraités. Tous y trouvent leur bonheur d’aller travailler. Le supermarché collaboratif représente, comme le démontre le documentaire, une réelle alternative à des lieux de socialisations de plus en plus rares dans nos villes.



Aucun patron, aucun actionnaire


Ne cherchons pas de chef, de responsable vente secteur, de top manager, ou tout autre type de poste chère à notre conception de l’entreprise. Ici chacun est possesseur de la coopérative et le capital n’y est pas rémunéré. Tous sont des « coopérateurs ». Lorsqu’on s’embarque dans l’aventure, l’on travaille pour soi, pour des produits d’une autre qualité mais aussi pour vivre une expérience de travail singulière. Une expérience loin de la coercition que l’on rencontre dans le mode d’organisation libéral. « Il y a beaucoup de lien humain dans ce supermarché, c’est une véritable expérience existentielle » déclare une coopératrice du supermarché New-yorkais. Ce n’est peut-être pas un hasard si cette initiative est née dans la ville symbole mondial d’un capitalisme déréglementé et d’un darwinisme social sans pudeur.


Crédit photo : Lardux film

Et si l’on rate ou refuse d’effectuer les 2h45 de travail mensuel ? Évidemment, l’action de groupe est inséparable d’un certain nombre de conflits. Dans ce cas, sont prévues des sessions dites de rattrapages. Et si cela vient à se répéter. Un conseil où les personnes siègent sont tirées au sort et peuvent décider d’une suspension et dans les cas extrêmes, d’une exclusion. Mais de manière générale « les gens sont satisfaits de venir travailler, ils veulent parfois travailler plus que trois heures, on cherche à les en décourager, sauf si c’est pour travailler sur le développement d’un projet particulier » déclare Tom Boothe, réalisateur du film Food Coop et créateur de La louve à paris (dans le 18ème) qui vient d’ouvrir en novembre, rassemblant déjà 3 400 collaborateurs.

Superquinquin le supermarché collaboratif à Fives

Les initiatives de ce type se multiplient sur le vieux continent, on en compte 14 en France, Espagne et Belgique. En janvier 2015, une poignée de Lilloises et Lillois a décidé de créer à Lille un « supermarché coopératif et participatif » sur le même modèle que son ainé outre-Atlantique.

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Les différents projets de supermarché collaboratif qui se développent dans l’hexagone

Crédit : Gary Libot

Superquinquin arrive sur Lille dans le quartier de Fives, au 23 rue du Prieuré. « Ce n’est pas un hasard si l’on s’implante dans ce quartier, c’est un lieu de brassage culturel » remarque l’une des trois créatrices du projet lors d’un cinéma-débat dans une salle de la métropole. Superquinquin à besoin pour se lancer, de minimum 500 collaborateurs (appelé ici des « adhérents-clients ») pour apporter un capital de départ. La somme minimale étant de 100€ remboursable lorsque le départ de la coopérative est souhaité.


Dans les instances de décisions, chacune d’elles est prise à la majorité selon le principe : une personne = une voix. Les profits dégagés seront réinvestis dans le supermarché ou dans un projet d’intérêt général. Il faut avoir à l’esprit que le fonctionnement du magasin est pro-actif, l’apprentissage se fera en grande partie sur le terrain; « c’est comme ça qu’on s’adapte le mieux » lance un collaborateur du projet.


Que pourra-t-on trouver à Superquinquin ? Une vaste gamme de produits d’alimentation (fruits et légumes, crèmerie épicerie sèche, boissons, viandes). Il y sera proposé des variantes d’un même produit pour répondre aux différences de goûts et de pouvoir d’achat de chacun. Des produits d’entretien du corps et de la maison seront aussi de la partie. L’objectif étant toujours de travailler avec des producteurs locaux bien que certains produits conventionnels ou hors-saison seront proposé. « Nous fonctionnerons selon un principe très démocratique : si les gens achètent un produit, c’est qu’ils souhaitent le voir dans les rangs du magasin, il aura donc ça place » déclare une collaboratrice en charge du projet Lillois.


Le but est de créer un lien entre adhérents, habitants et producteurs. Lien complètement émietté dans le secteur de la grande distribution. L’ouverture est prévue en mars 2017. Une initiative qui pourrait bien inspirer un mouvement d’une ampleur dont on ignore encore les frontières.


-Gary Libot



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